Je garde un souvenir pénible de ce jour. J’étudiais au cégep et cette journée-là, j’ai un cours le matin puis un cours le soir jusqu’à 21 h. Chaque semaine¸ le prof nous laisse aller 15 minutes avant l’heure. À l’époque, l’internet n’existe pas pas plus que les cellulaires, donc pas moyen de savoir en temps réel ce qui se passe ailleurs dans la ville ou de prévenir des proches que l'autobus n'est pas arrivé. C’est donc en toute insouciance que je rentre à la maison. Je dois prendre le métro, puis l’autobus pour rentrer chez moi. Le trajet en métro se passe bien sans anicroche. À la sortie du métro, rien à signaler. Le bus que je prends pour rentrer chez moi n’est pas réputé pour être à l’heure. J’arrive chez moi à 22 h, comme à l’habitude. C’est ma sœur cadette qui ouvre, puis ma mère apparaît dans l’embrasure de la porte. T’étais où?, me demande-t-elle, les yeux rougis, la voix entre sanglots et colère. Au cours, je réponds. Je me rappelle aussi que mon horaire de cours est au babillard, dans la cuisine. Je finis par comprendre que depuis la fin de l’après-midi, ma mère est collée à la télé dans une angoisse irréaliste, s’imaginant que sa fille aînée à qui elle n’a pas arrêté de répéter durant toute mon adolescence, de dire qu’elle n’était pas bonne en maths, physique, chimie s’est retrouvée parmi les mortes et les blessés à polytechnique.

@Anonyme: je pensais qu'en mentionnant la date, tu comprendrais qu'il s'agissait de la tuerie à Polytechnique pcq c'est évidemment de ça que je parle.