On n'avait jamais su de quel pays elle venait ni même son l'âge ou comment qu’elle s'appelait mais tout le monde la surnommait La Reine dans le bout de la rue Ste Catherine et de la Main. Elle se promenait dans le quartier depuis au moins dix ans côtoyant les putains et les itinérants mais quand on entendait son accent on se doutait qu'elle ne venait pas du Lac St Jean. La nuit avec son camion elle faisait sa tournée, distribuant des toasts et un peu de café, pour donner un petit peu de chaleur à ceux qui ont l'hiver dans le cœur. Pour les écorchés vifs elle inspirait la paix, sa seule présence était comme un baume sur leurs plaies. Son regard était une lanterne, pour les naufragés des sombres tavernes

Selon ce que dit Paulo un chauffeur de taxi, elle aurait fui la guerre pour immigrer ici il y a de ça quelque décennies lorsqu’ils ont tué son petit garçon et son mari. Ce qu'elle aurait trouvé pour s'accrocher à la vie, c'est de s'occuper des pauvres et des plus démunis. Au lieu de vivre triste éternellement, elle avait maintenant des centaines d'enfants

Ça s'est passé dans la nuit du douze au treize, en sortant de son camion elle a eu un malaise, près de chez elle au métro Du Collège on l'a retrouvée morte dans un banc de neige. On n'aura jamais su d’ou elle venait, ni son âge, ni son nom mais ce matin les gens pleuraient la Reine dans le bout de la rue Ste Catherine et de la Main. Mais au moins elle a reprit ses ailes, pour partir vers un monde un peu moins cruel et même si elle croyait pas en Dieu c'est sûr qu'elle vole quelque part où le ciel est bleu.